Nous nous efforcerons dans les pages de ce blog de donner un aperçu des recherches menées avec OT-Media et de décrire en quelques mots cadre et enjeux.
Une vue de France : où et quand ?
La crise Syrienne occupe une place récurrente dans les médias français. Débutée au printemps 2011, la crise se mue en conflit armé s’étendant aujourd’hui aux pays voisins.
Le point de vue rétrospectif de cette étude nous mène à l’été 2012, date de la tenue du congrès international des sociologues de langue française
Nous sommes alors au lendemain des massacres de Houla et d’Al-Koubeir qui font respectivement plus de 100 morts dont 49 enfants pour l’un et plus de 50 morts pour l’autre. La fiabilité comme la neutralité de différents organismes, à l’instar de l’observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) sont contestées128. De même est contestée la responsabilité des exactions, chaque camp accusant l’autre. Les médias, parce que relayant informations contestées et contestations des informations se posent comme centraux. Les médias officiels syriens parlent de 17 morts, les observateurs des Nations-Unies recensent près de 108 victimes, l’attribution du massacre restant flou. Ainsi Selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung, l’armée syrienne libre serait responsable du massacre, quand quelques mois plus tard le rapport de la commission d’enquête des Nations-Unies d’aout 2012 en attribue la responsabilité au gouvernement.
De la France, les outils de l’observatoire transmédia (OT-Media) nous permettent un regard original sur ces évènements, cela notamment au prisme de la campagne électorale française pour l’élection à la Présidence de la République.
Une concurrence médiatique en période de campagne présidentielle.
L’étude porte sur une période courant de mars 2012 au 5 mai 2012. Nous nous situons donc à quelques jours du début de la campagne officielle, le 12 mars et jusqu’à l’élection. Dans quelle mesure les médias français abordaient-ils la crise syrienne comparée à d’autres thématiques saillantes dans la presse nationale comme dans les réseaux sociaux numériques ?
Nous avons choisi de rechercher différentes occurrences pour diverses thématiques afin de circonscrire les thèmes saillants de même que d’analyser la parole politique.
Plusieurs phénomène se dégagent. L’amplification apportée par le contexte de campagne présidentielle est importante, parler de la Syrie permettant de se positionner sur des questions aussi large que le terrorisme ou la religion. Toutefois, la concurrence des sujets nationaux vient placer au second plan la question internationale en particulier syrienne.
Ainsi, les occurrences thématiques concernant Nicolas Sarkozy et François Hollande dominent globalement sur cette période, écho à la campagne présidentielle officieuse puis officielle, avec un accroissement de la dominance de ces deux courbes sur les autres sujets d’informations sélectionnés, à l’approche du scrutin du second tour1. Les occurrences renvoyant à Marine Le Pen suivent la même évolution, sachant que leur nombre reste largement inférieur. Le cas de l’islam et du terrorisme est intéressant car il permet d’illustrer la courbe suivie par un phénomène d’actualité toujours plus ou moins traité mais dont la visibilité médiatique peut subir des pics eu égard à des événements particuliers. Ainsi la thématique de l’islam et du terrorisme n’est que subsidiairement traité dans les médias, certes de façon constante, hormis pour la période du 19 mars au 5 avril déclenchée par la tuerie de Mohammed Merah.
Dans ce contexte informationnel, la thématique syrienne apparaît, elle aussi, subsidiaire dans la place qu’elle occupe en termes d’occurrences et eu égard aux autres informations. S’il est question de la Syrie tous les jours sur la période du 12 mars au 5 mai, on ne relève aucune saillance particulière dans l’intensité du traitement de la crise. Ainsi, aucun événement ne donne lieu à un pic similaire à celui de l’affaire Merah par exemple : une constance mais pas de saillance.
Cette faible représentation thématique de la Syrie, quand sont cumulativement appréhendées les occurrences de chaque média, peut cependant cacher des réalités très différentes par média.
La première particularité concerne l’intensité moyenne des occurrences. Globalement, l’Agence France Presse parle avec plus d’intensité que les autres médias des événements en Syrie. Ainsi, le nombre de documents AFP pertinents sur ladite thématique oscille jusqu’à plus de 100 par jour en ne descendant que rarement en-dessous de 20. Ces documents représentent d’un tiers à la moitié des résultats cumulés pour l’ensemble des médias. Ainsi, l’AFP surreprésente la crise syrienne dans son traitement de l’information. A l’inverse, le web sous-représente la Syrie. Par exemple, pour les dates du 13 et 14 mars 2012, le web comptabilise 284 documents résultant de la requête « Syrie* » dans le titre ou le résumé, tandis que l’AFP comptabilise à elle seule 132 résultats.
Seconde spécificité, les pics événementiels relatifs à la Syrie viennent dépasser, jusqu’à la date du 21 avril, les thématiques relatives à l’élection présidentielle, identifiées dans notre étude en particulier par les noms des deux candidats principaux. Concrètement, un des documents du pic AFP du 10 avril 2012 correspond à l’article suivant: « Tirs syriens vers la Turquie : ʺClaire violationʺ de la frontière (Erdogan) », tandis qu’un des documents du pic du 12 avril 2012 s’intitule « Syrie : le cessez-le-feu est un ʺ pas important ʺ, si respecté (Clinton) ».
Un focus sur « violence et Syrie » pour illustrer la propagation de l’information
Nous cherchons tout d’abord à savoir ce qui se dit sur la Syrie lorsqu’elle est le sujet de l’information à la radio, à la télévision et dans la presse. Ainsi effectuons-nous des analyses visant à déterminer si tel ou tel vocabulaire est plus ou moins récurrent dans les résultats de la requête « Syrie ». Nous sélectionnons dans les mots-clefs les termes « violence », « terroris* », « meurtr* », « tyran* », « guerr* », « massacr* ». D’entre ces mots, le terme « violence » est celui qui prédomine, suivi ensuite des occurrences du terme « massacre », puis de celles du terme « guerre ». Chacun de ces termes rencontre cependant un nombre d’occurrences variable, écho aux faits d’actualité. Ainsi le terme « massacre » et ses dérivés sont-ils particulièrement récurrents sur la semaine qui comprend le 3 février, date à l’époque la plus meurtrière depuis le début du soulèvement. Le même pic de vocabulaire se retrouve dans la période comprenant la date du 12 mars, correspondant à un nouveau massacre dans la ville de Homs. Pour la scène syrienne, le traitement de l’information semble donc ne s’articuler qu’autour de la notion d’accidents.
Quant au vocabulaire qui indiquerait un parti-pris, tout au moins l’expression d’un point de vue éventuellement plus polémique, tel le mot « tyran », seules quelques occurrences font leur apparition à la mi-avril 2012. Par ailleurs, sur la période du premier février au premier mai, les résultats portant sur la Syrie ne comportent aucune occurrence du terme « meurtre » ni de ses dérivés. Ces résultats s’expliquent en partie par les sources objet de la requête, qui ne comprennent pas les sources web en dehors des sites de presse.
Ainsi, le contenu de l’information semble s’uniformiser dans ce cercle-là de transmission de l’information, de même que la périodicité d’un événement et de son traitement – son cycle de vie – dans les sources journalistiques reste assez courte.
Cette étude exploratoire permet de dégager plusieurs points de réflexion. Tout d’abord la production d’informations peut se trouver limiter à quelques entités principales, ce malgré la multiplication des acteurs, en particulier en lien avec l’internet. Les autres acteurs du champ médiatique se trouvent alors souvent en posture de reprise. Cette première approche interroge également la place des infomédiaires dans la transmission de cette information.
1 Creusement de l’écart d’avec les autres informations à partir du 21 avril, veille du premier tour de l’élection.